Des mines de Pologne – région de la Prusse – aux terres ensoleillées du Lot et Garonne …!
Trois migrations à travers l’Europe , en quête de libertés
Certes j’ai l’accent de nos collines entre Guyenne et Gascogne, l’accent de la « Terre d’ici « comme on dit . Je suis effectivement né à Montastruc (47) il y a bientôt 7 décennies , dans la ferme de mes grands parents , paysans au lieu-dit « Le Parisien « – mème commune.
J’ai l’habitude de dire que je suis Gascon …..tant que je n’ai pas dit ou écrit mon nom ( ci dessous) , tout va bien !
Nous savons que la population du département 47 est la résultante d’un melting-pot de migrations dont les plus nombreuses sont majoritairement d’origines italienne , espagnole , hollandaise , vietnamienne , portugaise , arabe …. et , bien que moins importante…polonaise .
Ainsi , vers 1930 , des familles venant de Pologne , composées de « petites gens « vinrent peupler des fermes vidées de leurs paysans autochtones par la Grande Guerre , entre Monclar et Cancon et avaient bien sûr des noms de familles qui ne ressemblaient pas aux « Dubois « « Laborde « Castagnet « …etc mais : Staszewski – Gorna – Tyszko – Myszkiewicz – Wawrzyniak – Janura – Pekala …..
Pendant une bonne trentaine d’années, ils seront petits paysans vivotant , proches de l’autarcie – des « gens de peu « – mais LIBRES . Ils seront éternellement reconnaissants envers le pays de France qu’ils les a simplement accueillis . Ce ne sont que des mots qui ne mesurent que partiellement l’ampleur de cette reconnaissance , en regard de ce que ces migrants avaient pu endurer préalablement !
Mes aïeux polonais sont arrivés en France il y a un siècle ( juin 1922 et mon père n’avait que 18 mois ) . Bien que non lettrés , ces « gens de peu « étaient , de facto , totalement imprégnés et impactés par l’Histoire de ces décennies . Ainsi mon grand-père et mon père parlaient trois langues : le polonais , l’allemand et le français !
La France était ce qui leur est arrivé de meilleur , après avoir fui la misère « noire « . Fuite pour essayer de trouver un meilleur sort , tant économique qu’humanitaire : la quête d’une vie meilleure !
- D’abord fin du 19 ème et début 20 ème siècle , mineurs de pères en fils en Silésie sous le joug des industriels Prussiens ( la Pologne n’existait pas en tant que telle ) . Considérés comme des esclaves , sans droits , gagnant un pécule ridicule permettant juste la survie. Sous le joug des Prussiens……qui allaient devenir des Allemands.
- Vers 1900 – 1910 , toute la fratrie espère une vie meilleure et migre vers les mines de la Ruhr en Allemagne . Mon père naîtra d’ailleurs à Wanne / Allemagne ! Ensuite , avec la montée du nazisme , les mineurs polonais seront ostracisés , rabaissés , menacés et considérés comme « unter mensch « ……(sous hommes) ……au plus bas de l’échelle raciale !
Texte tiré de Wikipedia :
Dans la directive n° 1306 du 24 octobre 1939 du ministère de l’Éducation du peuple et de la Propagande du Reich, le terme « Untermensch » désigne l’ethnie et la culture polonaises :
« Il faut que tout le monde en Allemagne, même jusqu’à la dernière laitière, comprenne que la Polonité est égale à la sous-humanité. Les Polonais, les Juifs et les Gitans sont au même niveau inférieur. Cela doit être clairement défini […] jusqu’à ce que chaque citoyen allemand ait codé dans son subconscient que chaque Polonais, qu’il soit ouvrier ou intellectuel, doit être traité comme une vermine ». »
( PS : sur cette échelle de la haine raciale….que dire alors de celle envers les juifs polonais , qui atteindra des abysses !)
Toujours sous le joug des Allemands et de leur emprise qui s’accéléra avec les nazis prenant le pouvoir , mes aïeux feront le choix d’une nouvelle migration ( la seconde !) pour cette fratrie , toujours et toujours, à la recherche d’une vie meilleure et simplement plus juste .
- 1922 : deuxième migration vers la France du nord et le Pas de Calais ….encore et toujours la mine pour mon grand père . Importante communauté polonaise , plusieurs centaines de milliers furent convoyés par trains depuis la mère patrie . Mon père était un bébé , puis devint un gamin qui vivra sa première décennie dans le pays des droits de l’homme. Leur vie s’améliorera …..jusqu’en 1930 où il y aura la crise économique mondiale : le gouvernement français fera expulser 100 000 mineurs et exigera leur retour en Pologne. La fratrie de mes aïeux refusera ce retour en arrière , synonyme de tant de misères , d’asservissements et de déchéances ….et sans avenir !
- 1932 : troisième migration
- Mes aïeux resteront en France et tous abandonneront « le travail sous terre « et migreront du Nord vers le Sud de la France. Exactement le Sud – Ouest où de petites fermes étaient libres , faute de bras liée à l’hécatombe de la grande guerre …… Ce sera le Lot et Garonne qui pour eux signifiera Pays de Cocagne , après toutes les horreurs vécues !!! Trois familles polonaises ( 3 sœurs Gorna avaient épousé 2 frères Staszewski – François et Pierre – + Joseph Tyszko ) s’installèrent comme paysans en Lot et Garonne et habiteront des métairies aux lieux-dits « Madone « commune de Saint Pierre de Caubel – « Aux Téoulès « commune de Beaugas – « Lascrozes « commune de Saint Pastour – « Le Parisien « commune de Montastruc…d’autres membre de cette fratrie élargie ayant habité à ( ou demeurant au cimetière de ) Bias , Castelmoron , Coulx , Villeneuve . De houilleurs dans les sous-sols de l’Europe du Nord …..à « Paysans Gascons « ….! . Enfin , ils avaient trouvé une vie digne , d’hommes et de femmes libres dans un pays de France qu’ils chériront toujours : une reconnaissance éternelle .
- 1939 : l’horizon de la planète s’obscurcit à nouveau avec les cohortes nazies envahissant la Pologne , puis la Belgique, puis …….la France . Pour mes aïeux, la bête immonde était revenue et allait les rattraper. Le troisième volet de l’horreur après les Prussiens , après les Allemands en Rhénanie , les nazis envahisseurs de la France !!! Aux noms de tous les siens et en hommage à tous ceux déjà morts dans tous leurs combats pour survivre à travers les décennies , mon père François STASZEWSKI – considéré comme étranger à l’époque – choisira contre vents et marées de défendre la Patrie France qui les avait si bien accueillis . Il sera engagé volontaire.
- Mon père né sur le sol allemand – de nationalité polonaise de part ses parents – fera la guerre aux côtés des Français ……..contre le pays qui l’a vu naître !!!
- Pour lui , pas d’obligation légale , mais une obligation naturelle et morale , comme une dette envers la France et aussi envers la mémoire de ses aïeux . Il s’engagera ( au centre de recrutement d’Agen à l’âge de 18 ans et 7 mois ….un adolescent !) aux côtés de l’armée française et des alliés , mais ne pouvant le faire comme soldat conscrit , puisque étranger , il le fera comme légionnaire au sien du 12 éme Régiment Étranger d’Infanterie ! Fait prisonnier en juin 1940 , il sera envoyé dans le stalag VI à Hemer près de Dortmund / Rhénanie – Allemagne ….pérégrination pendant 5 ans ! Prisonnier de guerre ( K.G : Kriegsgefangener ) dans ce stalag à quelques dizaines de kilomètres de Wanne / Rhénanie … où mon père naquit .!!!
- Retour sur un « petit rien « qui s’avérera , par la suite , sûrement salvateur : par une mystification dont je ne connais pas les tenants et les aboutissants ,sur les papiers de mon père dont disposaient les allemands , figurait comme ville de naissance « Vannes « ( un soldat de l’armée française dont la famille habitait la France depuis près de 20 ans et qui parlait couramment la langue de Molière……de toute évidence pour les nazis , c’était le Morbihan …la Bretagne….et donc la France ) . Sauf que mon papa était officiellement né à Wanne ( en Rhénanie – Allemagne où mon grand-père avait été mineur de fond pendant une décennie)……. Si les Allemands avaient compris cela …..je pense qu’ils se seraient « occupés de son cas « Un destin dramatique et haché ! La totalité de son engagement pour la Patrie durera 2208 jours !!! Il en reviendra « démoli « ….nonobstant son engagement fort , il ne sera naturalisé français qu’en 1958 ….! Impensable !
- Néanmoins , la « dette « morale et humaine envers la France était honorée ; c’est un devoir de mémoire que de le considérer ainsi et que je tenais à humblement évoquer .
Mon père ne se considérait pas comme un héros et n’en parlait jamais . Au cours du repas dominical à Castelmoron sur Lot (47) , il y avait du « beau monde « autour de la table de famille bien achalandée : mon grand-père maternel « Poilu de 14-18 « , mon propre père et sa guerre de 39-45 et un oncle qui avait fait la guerre d’Indochine : jamais , au grand jamais je ne les ai entendus parler de guerre !!!!
J’ai toujours su que mon père avait fait la guerre et qu’il avait été prisonnier en Allemagne mais ce que j’ignorais jusqu’à mes 67 ans ……c’est qu’il s’était engagé volontaire à 18 ans et 7 mois , pour combattre le nazisme aux côtés des Français , pas par obligation légale mais par choix affirmé . Mon père était un « taiseux forcené « mais de là , à pactiser contre cet ennemi séculaire , il y avait un pas que peu auront franchi , apportant ainsi sa petite pierre à la survivance d’un peu d’Humanité .
Sans le savoir , il aura honoré son patronyme « stasz « signifiant « être debout « ou « se tenir debout « ….c’est bien de cela dont il s’agit …..humblement.
Pour la petite histoire, mes parents donnèrent un prénom composé à ma sœur : Marie car ils étaient très catholiques et France , en hommage au pays d’accueil.
Maxime STASZEWSKI